Après nos voyages à l’étranger et un long séjour balinais nous voici de retour en France. Les vents de la destinée nous ont poussés jusque dans le sud. Nous avons jeté l’encre dans le Vaucluse à Orange, non loin de Chateaurenard, Saint Rémy de Provence, Tarascon, Beaucaire, Nîmes, Rodilhan, Arles, Le Grau du Roi, Palavas les Flots, Béziers, Istres ou encore Alès. Vous connaissez ou vous avez entendu parler de toutes ces villes de notre beau pays. Qu’ont-elles donc en commun pour que je les cite ici? Ce sont toutes des villes de la honte, des villes de la mort, des villes tauromachiques où se pratiquent la corrida.
Le CRAC Europe
Le CRAC Europe est le Comité Radicalement Anti Corrida. C’est l’une des plus anciennes associations de lutte pour l’abolition de la corrida en France, créée par Jacques Dary en 1991, lui-même impliqué depuis 1984 dans l’action militante. Parmi ses présidents d’honneur nous trouvons les noms des regrettés écrivain et humanisme Albert Jacquard et du philosophe et généticien Jacques Derrida. Aujourd’hui, l’écrivain-journaliste et végétarien Henry-Jean Servat, le chroniqueur et urgentiste Patrick Pelloux et enfin la romancière Amélie Nothomb assurent la relève au sein de ce comité d’honneur. Thierry Hély, une autre grande figure de la lutte anti-corrida (Président de la FLAC) avait repris la direction du CRAC en 2002 avec Jean-Pierre Garrigues, enseignant en économie et ingénieur des Ponts, des Eaux et Forêts. Ce docteur en écologie, spécialiste des finances de la corrida et directeur de campagnes est depuis le président du CRAC Europe.
Le CRAC s’est fixé l’objectif de l’abolition de la corrida en France et en Europe.
Alès, la gueule de bois pour la corrida de trop
Les « animations » se déroulent sur 5 jours, du mercredi au dimanche et cela commence dès le plus jeune âge, à la maternelle. Il n’y aurait pas de toréros ni d’aficionados si, dès la plus tendre enfance, on ne les conditionnait à progressivement admettre comme chose normale et naturelle la torture en public d’un animal herbivore innocent et inoffensif. C’est le premier ingrédient nécessaire à l’existence de la tauromachie : la manipulation. On demande aux bambins en culotte courte, encore si prêt du sein de leur mère, de dessiner des taureaux bariolés de couleurs chatoyantes, on les récompense avec des friandises, on les met au contact de vachettes, on les pose sur le dos d’un poney qu’on fait tourner en rond au bout d’une corde…
La lâcheté et la complicité du pouvoir politique sont le second ingrédient permettant le maintien de la corrida dans notre pays. Une inauguration officielle, en grande pompe, pour revendiquer haut et fort par les autorités publiques le droit à la torture se déroule sur la place de l’Hôtel de Ville. On donne ensuite au peuple ce qu’il attend : alcool, amusements et bénédiction divine. Sous couvert de l’église qui fait grand messe, en sa Cathédrale Saint Jean Baptiste, plus rien, ni même Dieu, ne peut dorénavant entraver la soif de sang des Alésiens et autres passionnés de cet « art de combattre les taureaux dans l’arène« , que l’on nomme la tauromachie. Comme si cela ne suffisait pas les, soi-disant, grand ténor Norbert Xerri et soprano Élisabeth Aubert viennent prêter leurs voix complices pour interpréter un extrait de l’Avé Maria. Le reste des « festivités » cumule pratiques dégradantes et violentes pour les taureaux ou les chevaux (Encierro, novillada, course camarguaise, « toro piscine« , course landaise, rodéo), défilés carnavalesques (dont la Pégoulade), concours en toute sorte, visite des arènes, ateliers tauromachiques… le tout au son des tambours et bien arrosé d’alcool jusqu’à s’enivrer au point de s’en rendre bien souvent malade.
Manifestation
C’est à l’appel du CRAC, que les militants pour la protection de l’enfance et le droit des animaux, ont été conviés à venir manifester leur désapprobation de cette pratique barbare qu’est la corrida, à l’occasion de cette Feria de l’Ascension à Alès. Fort du succès des manifestations de 2013 et 2014, en cette même ville où des milliers de personnes s’étaient mobilisées pour défiler dans les rues, le CRAC en 2015 a décidé d’adopter une nouvelle stratégie en optant pour un happening. Cela a découragé nombre de militants qui ne sont pas habitués à cette forme de protestation.
Nous étions tout de même plusieurs centaines à avoir fait le déplacement pour maintenir notre opposition et faire valoir notre point de vue : celui de la non violence. Je ne développe volontairement pas dans cet article l’histoire de la corrida et les raisons pour lesquelles il faut l’abolir, ici et partout dans le monde, car j’ai déjà détaillé cela dans l’article au sujet de la manifestation espagnole de Pampelune orchestrée par PETA.
Pour nous, qui étions encore en Asie il y a quelques semaines, le choc est rude. Il est une chose de connaître la réalité de la tauromachie en France, il en est une autre de s’y trouver confronté. C’est une étrange situation à vivre que d’être entourés de centaines de CRS, surveillés par des dizaines d’agents de police et des Renseignements Généraux comme si nous étions de dangereux terroristes. Nous sommes pacifistes, nous réclamons que cessent les tortures et les meurtres et c’est nous qui sommes considérés comme dangereux alors que les assassins, sous couvert de tradition et de culture, sont laissés en liberté à quelques centaines de mètres de nous. Contraints à ne pas bouger, cantonnés sur un bout de bitume, éloignés de tout contact avec la population, mis à l’écart du public et des touristes mais surtout pas interdits de « manifester » pour ne pas nous donner l’occasion de nous plaindre, voilà ce qu’est devenu la liberté d’expression en terre d’Alès. Douce France, cher pays de mon enfance, bercé de tendre insouciance…
L’important, dans ces conditions, était de tenir la place à partir de 15 heures, d’occuper le pavé, d’alterner les minutes de silence, par compassion avec ceux qui allaient mourir dans d’atroces souffrances et les périodes de bruits intenses pour crier notre rage, notre révolte, notre souffrance à nous de ne pouvoir les sauver. Jean Pierre Garrigues invita de nombreuses figures de la lutte à venir s’exprimer à la tribune et ne manqua pas de rappeler le troisième ingrédient indispensable à la survie des corridas et de la tauromachie : l’argent. Pour marquer les esprits avec le concours de certains médias, un tableau ensanglanté mettant en scène des volontaires prenant la place des taureaux sacrifiés clôtura l’après-midi vers 19 heures.
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Entre 30 et 70 euros, c’est le prix à payer pour assister à l’exécution publique après torture d’un herbivore. Ayons une pensée pour les victimes et pour l’âme sombre de leurs tortionnaires mais surtout : engageons nous pour l’abolition de la corrida qui fait honte à notre pays.